Pourquoi avoir appelé la tournée « 40 ans plus tard » ?
Dans l’album « Respect » il y a une chanson qui s’appelle « 40 ans plus tard », qui parle de notre histoire à Noëlle et moi. Cela nous a donc paru un très beau symbole pour concrétiser la fidélité du public. Je me suis toutefois aperçu qu’il connaissait plus les chansons anciennes que celles récentes. Depuis le début de ma carrière, j’ai évolué avec notre époque. Les thèmes de mes chansons ont toujours collé à l’actualité. De ce fait, elles ont toujours reflété l’évolution de notre société de notre temps.
Et quel moment fort te vient immédiatement à l’esprit ?
Un des moments les plus incroyables aura été la naissance de la chanson La langue de chez nous. Elle a eu lieu au Québec et elle a rencontré un public québécois, un peu comme ça par surprise. Ils ne s’attendaient pas à ce qu’un français brosse de manière, si concrète un portrait de leur combat pour leur culture.
C’était donc un hommage à la langue française et en même temps au combat des Québécois pour la langue. Quand les Québécois m’ont vu arriver avec une chanson qui n’avait pas encore été enregistrée, ils ont réagi de façon hallucinante. Ils étaient debout en exprimant une grande ovation. Les Québécois ont l’image de défenseurs de la langue française.
Les Chansons ne sont pas là pour convaincre mais pour rassembler !
Nous étions complètement pétrifiés sur scène parce que nous n’avions avait jamais vécu un moment pareil. L’ingénieur du son m’a raconté après, qu’il m’avait vu vacillé sous la force de la pression de cette ovation. C’était en 1985, un très grand souvenir d’autant plus que la chanson est dédiée à Félix Leclerc pour qui j’ai une grande admiration. La chanson est issue d’une conversation très longue que nous avions eu ensemble à l’île d’Orléans l’année précédente.
Comment te positionnes tu par rapport à la musique aujourd’hui ?
Je suis comme un voyageur indépendant, un passager clandestin. Toutefois, j’ai traversé toutes ces périodes un peu a contrario. Quand c’était l’époque du disco, j’ai été acoustique. A une époque symphonique, j’ai été encore acoustique. Du coup, je crois que je suis un peu à côté, toujours un peu en dehors des courants, des modes. Et je suis très heureux d’être encore là aujourd’hui. C’est cela qui est le plus étonnant ! Il est beaucoup plus difficile de rentrer dans le cœur des gens que dans le hit-parade.
Par chance, j’ai le sentiment que mes chansons se sont mélangées à l’histoire personnelle de chacun. Mes chansons ont raconté leur histoire à travers la mienne, c’est comme un partage. C’est comme si j’étais un écrivain public qui relate des événements familiaux, des événements très personnels, très intimes. Pour ces raisons, le spectacle a un côté très intime avec beaucoup de chansons piano/solo, violoncelle, guitare-voix. Les musiciens qui m’accompagnent soulignent ce côté acoustique et intimiste. C’est assez extraordinaire l’accueil que je reçois quand je sors un nouveau disque. L’album « Respect » a bénéficié d’une campagne de promotion énorme. Peut-être la plus grosse que j’ai jamais connu.
Et ce nouveau spectacle 40 ans plus tard comment l’as-tu conçu ?
Le spectacle que nous allons donner demain à Noisy-le-Grand, puis à Villeparisis, Aulnay, au Québec… C’est l’aboutissement d’un énorme travail. Celui-ci a consisté d’abord à essayer de mettre ce disque en scène, de le travailler orchestralement avec beaucoup moins de musiciens que sur l’album. Et puis, c’est surtout l’émotion qui se dégage de mes chansons. C’est ainsi que ce spectacle est devenu très acoustique. Il s’est adapté au fil des concerts. Le spectacle a aujourd’hui une forme qui est à mon avis vraiment aboutie. J’assure seul le piano et la guitare en totalité. Un violoncelle solo, un percussionniste et un contrebassiste m’accompagnent. Dans le spectacle, il y a une moitié de chanson repères et l’autre de chansons beaucoup plus récentes dont la grosse partie sont des chansons du dernier album.
Concernant l’écriture de livre as-tu un nouveau projet ?
En effet, je suis en train d’écrire un nouveau livre. Pour moi l’écriture de livre est aussi intense que l’écriture de chansons. J’ai appris à travers des chansons à écrire, une longue histoire en deux minutes et demie, parfois en trois minutes.
Ensuite j’ai pu grâce à Bertrand Révillion travailler sur des idées en développant des chroniques mensuelles avec un nombre de caractères définis. Un propos que je devais arriver à rendre très concis. Puis avec « Et si la clé était ailleurs ? » je suis passé à l’écriture d’un vrai livre beaucoup plus cursif. J’aime la transmission.
Les thèmes de ton écriture ont changé au fil des années ?
Je crois que je suis comme un trait d’union entre ce passé dont on hérite et l’avenir qui est conditionné par le présent. C’est une réflexion sur la spiritualité, sur l’éthique, sur tous les sujets qui nous sont donnés aujourd’hui.
Ces thèmes sont plus présents aujourd’hui dans mon écriture car notre époque le commande. Nous ne pouvons pas vivre complètement en dehors de tout ce qui se passe dans le monde en ce moment. La société est en train de traverser une mutation complète. Nous nous rendons bien compte que ce n’est pas uniquement français ou Européen, mais c’est mondial. Il y a une recrudescence de violence, de révolte, de contestation, de rébellion contre l’ordre établi. Moi qui suis plutôt rebelle de nature, c’est un sujet qui ne peut pas me laisser indifférent. Et en même temps je me suis toujours inscrit dans une démarche constructive.
Par exemple, quand il y a une contestation sur la façon dont notre espace était géré, je me suis présenté à la mairie (de Précy-sur-Marne) et j’y suis resté (1989 à 2014). Pour moi c’est une façon aussi de réagir en m’engageant sur notre époque. Du coup mon écriture, elle a gagné en réalisme. La poésie qui était dans ma nature a évolué vers des choses aussi réalistes que possible. Ceci rend la poésie beaucoup plus concrète. Toute cette expérience de participation citoyenne a enrichi mon écriture. Ce côté réaliste lui donne une force différente de simplement d’être un rêveur poétique.
40 ans plus tard
Après la sortie de son nouvel album « Respect » en janvier 2018, Yves Duteil présente un concert renouvelé, mêlant ses chansons phares et ses titres récents.
Yves au piano et à la guitare est accompagné de trois musiciens, contrebasse, percussions et violoncelle. Le titre du spectacle incarne à la fois les quarante ans d’amour qu’il dédie à Noëlle, son épouse, et quatre décennies d’une carrière atypique dont on connaît surtout les succès les plus emblématiques, comme « Prendre un enfant », « La langue de chez nous » ou « Pour les enfants du monde entier ».
C’est aussi une invitation à découvrir l’intensité et la profondeur de ce répertoire, ses faces cachées, son engagement humaniste, et à partager l’émotion particulière qui se dégage dans ce climat intimiste.
Bio Yves Duteil
Yves Duteil est né le 24 juillet 1949 à Paris. Il débute son éducation musicale par l’apprentissage du piano avant de découvrir la guitare à l’adolescence. Après son bac, il intègre le Petit Conservatoire de la chanson de Mireille. Son premier titre sort en 1972, Virages, marqué par les premières parties de Régine à Bobino ou de Juliette Gréco à L’Olympia. C’est le Festival de Spa en Belgique, qui va lancer sa carrière en 1974 puisqu’il y remporte les Prix du Public et de la Meilleure Chanson.
Dans la foulée, le chanteur sort son premier album, L’écritoire puis en 1976 J’attends, pour lequel il se voit remettre le prix « Jeune Chanson » du Haut Comité de la langue française. Deux nouveaux prix l’attendent, ceux de l’Académie Charles-Cros et du Secrétariat à la Culture. Un an plus tard son troisième opus s’intitule Tarentelle (1977). De cet album sont extraits trois titres à succès, parmi lesquels la chanson la plus emblématique d’Yves Duteil, Prendre un enfant.
C’est donc un artiste au sommet qui part à la rencontre de son public en 1978, marqué par un concert au Théâtre des Champs-Elysées. L’année 1981, Noëlle et Yves Duteil créent « Les Editions de l’Ecritoire », qui produiront désormais tous ses albums.
En 1984, il sort l’album Statue d’Ivoire et reçoit les insignes de Chevalier des Arts et Lettres. En grand amoureux de la langue française, Yves Duteil revient dès 1985 avec La Langue de chez nous, qui obtient la médaille de poésie de l’Académie Française ainsi que le Grand Prix SACEM de la meilleure chanson française.
Meilleure chanson française du 20ème siècle
L’année 1988, « Prendre un enfant » est élue « meilleure chanson française du 20ème siècle » en tête d’un sondage organisé par la SACEM, RTL et Canal+. Cette même année, « La langue de chez nous » reçoit l’Oscar de la Chanson Française décerné par l’UNAC. En 1990, il est nommé Chevalier dans l’Ordre national du Mérite et, en 1996, Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Yves Duteil s’illustre à l’occasion des Jeux Olympiques d’Albertville en 1992 en signant La fleur de l’impossible, chanson choisie par le Comité Olympique pour les Jeux d’Hiver d’Albertville.
En 1997, il reçoit à nouveau un Grand Prix de la SACEM en tant qu’Auteur-Compositeur-Interprète avec un nouveau disque très engagé, « Touché », sur lequel on retrouve notamment le titre Dreyfus (Yves Duteil est le petit-neveu du capitaine Dreyfus) aux côtés de «La tibétaine», écritepour défendre Ngawang Sangdrol, prisonnière d’opinion détenue au Tibet (à présent libérée), et «Grand-Père Yitzhak», écrite pour Yitzhak Rabin.
Après le Casino de Paris, l’Olympia en 2002 pour ses trente ans de chansons, en 2008 c’est dans le prestigieux Théâtre Déjazet qu’Yves Duteil présente son album « (fr)agiles ». Il se produira de nouveau dans lacapitale parisienne en 2010 pour 3 soirs de suite à la Cigale. En 2012, il dévoile l’album «Flagrant Délice» et c’est sur les planches duTrianon qu’il fera sa rentrée en janvier 2014. Janvier 2018, il sort l’album « Respect ».
Engagement citoyen
Yves Duteil parraine un grand nombre d’associations, comme Petits Princes qui réalise les rêves d’enfants malades, Vaincre la Mucoviscidose, pour laquelle il a écrit la chanson des Virades « Le souffle court », ou Votre école chez vous, qui propose une scolarité complète à domicile pour les enfants malades ou handicapés et qui offre ce suivi scolaire aux enfants blessés de la vie.
En 1989, il est élu maire sans étiquette de Précy-sur-Marne en Seine-et-Marne. Il reçoit en juin 1992 une Marianne d’Or, récompensant les meilleurs maires de France. Après 25 ans de mandat à Précy, il passera e relais en 2014.
Yves Duteil est également le président de l’Association A.P.R.E.S. (Assistance aux Populations et Réhabilitation des Espaces Sinistrés), qu’il a fondée avec son épouse, Noëlle. A.P.R.E.S a oeuvré pour la lutte contre les incendies de forêts pendant plus de dix ans, et suite au tsunami de 2004, a construit l’école Apres School, une école en résidence située au sud de Pondichéry (Tamil Nadu, Inde) pour offrir un avenir aux enfants des tribus les plus défavorisées parmi les castes d’Intouchables.
De cette belle carrière qui continue de s’étoffer avec un nouveau livre et un nouvel album, une des plus grandes reconnaissances faite à Yves Duteil est qu’en France et à l’étranger, on compte aujourd’hui plus de 30 écoles qui ont choisi de porter son nom.